Antoine Lanciaux
Antoine Lanciaux a été l’invité de la 9e édition du festival du film d’animation Drakkar’Toon (2015) pour la présentation du moyen métrage Neige
Filmographie :
• La prophétie des grenouilles (long métrage – 2001) : co-scénariste
• Mia et le Migou (long métrage – 2008) : co-scénariste
• Les quatre saisons de Léon (série de quatre moyens métrages – 2008-2012) : co-réalisateur et co-scénariste
• Le Père Frimas (court métrage – 2013) : co-scénariste
• Neige (moyen métrage – 2014) : co-réalisateur et co-scénariste
• Peinture fraîche (court métrage – 2015) : co-réalisateur
• Vanille (moyen métrage – 2020) : co-scénariste
Portrait animé publié le 7 mars 2021
Cinéma Le Drakkar – Pourrais-tu nous présenter ton parcours et ton travail ?
C’est au lycée d’art appliqué, à Roubaix (l’ESAAT) que j’ai découvert le cinéma d’animation. Il y avait au sein de cet établissement une section « cinéma d’animation » qui était proposée aux élèves de terminale. On y enseignait l’histoire du cinéma d’animation et les élèves pouvaient s’exercer à toutes les techniques : dessin, papier découpé, peinture sur verre, marionnettes, pixilation… tout ce qui était image par image. Comme beaucoup d’autres sections que proposait l’établissement, la porte restait toujours ouverte. Dès la seconde, j’y ai mis un pied, puis la tête, et un jour je suis rentré dans cette classe. Cela ressemblait plus à un atelier qu’à une classe d’ailleurs. Il n’y avait que 7 ou 8 élèves, et une belle ambiance de travail ! Ces élèves et leur prof sont vite devenus mes amis et ce qu’ils faisaient était exactement ce que je voulais faire : raconter des histoires, dessiner, faire du montage avec du son, de la musique, c’était génial ! Ma passion est née ainsi, parce qu’une porte était ouverte et que j’étais curieux ! J’ai commencé dès la seconde à bidouiller des films en super-huit et, arrivé en terminale, j’ai intégré cette section.
Ensuite, j’ai voulu continuer dans l’animation et j’avais complètement mis de côté l’idée de faire un BTS en arts graphiques. Mais à l’époque, en France, il n’y avait que l’école des Gobelins qui proposait des études dans ce domaine. Je me rappelle être allé à une journée porte ouverte, mais ce que faisaient les élèves ne me plaisait pas vraiment. Trop « disneyens » à mon goût… (cela a pas mal changé depuis…).
Mais à l’époque, c’était en 1989, je voulais faire des films d’auteur en papier découpé, alors c’était pas vraiment ça… J’avais comme modèle les productions du studio de La Fabrique, à Montpellier (Laguonie, Palacios, Ocelot…). Un intervenant professionnel de mon lycée m’a alors parlé du studio Folimage (combinaison de FOL pour Fédération des œuvres laïques et image), qui était un jeune studio basé à Valence et créé en 1985. J’ai appelé le directeur de l’époque qui m’a dit que le studio était aussi une association habilitée à accueillir des objecteurs de conscience. J’ai sauté sur l’occasion et j’ai rejoint l’équipe en 1991, dans le cadre d’un « service civil ». Après deux années d’objection au sein de l’association, à animer des ateliers cinéma avec des enfants, le studio m’a proposé du travail. Cela fera pile 30 ans cette année ! J’ai commencé à travailler comme intervaliste, puis assistant-animateur, animateur, lay-outer (mise en scène), story-boarder, scénariste et maintenant réalisateur ! Mais sur ces trente années d’expériences diverses et variées, je n’ai pas travaillé uniquement à Folimage, j’ai aussi beaucoup travaillé de chez moi, et dans quelques autres studios.
L’hiver de Léon – Pierre-Luc Granjon, Antoine Lanciaux – 2008 © Folimage
Neige – Antoine Lanciaux, Sophie Roze – 2014 © Folimage
CLD – Pourrais-tu nous faire partager un souvenir de séance de cinéma qui t’aurait marqué ?
AL – Quand j’étais élève dans la section animation, en art appliqué, nous allions souvent dans un cinéma Art et Essai pour enfants (dont j’ai oublié le nom…), dans les environs de Roubaix. J’aimais beaucoup ce cinéma, car tout était à échelle d’enfants : de petits fauteuils, un petit écran ! Nous étions, enseignants et élèves de ma classe, les seuls adultes dans la salle. Et nous nous asseyions toujours au fond, coincés dans ces petits fauteuils. Les enfants réagissaient aux films, et en plus de découvrir des films d’animation, nous prenions aussi la mesure des réactions du public. Je ne sais pas si ce ciné existe toujours, mais j’adorais aller là-bas, c’était notre sortie de la semaine ! Il y avait aussi des rencontres avec des réalisateurs, et cela renforçait encore plus mon envie de faire ce métier. J’y ai rencontré notamment Paul Driessen (Yellow Submarine…) et René Laloux (La Planète sauvage…).
Quant aux films qui m’ont marqué, il y a d’abord Le roi et l’oiseau de Paul Grimault, mais aussi L’homme qui plantait des arbres et Crac de Frédéric Bach. J’ai également beaucoup aimé Le hérisson dans le brouillard et Le conte des contes de Youri Norstein, ainsi que The hill farm de Mark Baker.
Le roi et l’oiseau – Paul Grimault – 1953 © Les Films Paul Grimault / Les Films Gibé
Le hérisson dans le brouillard – Youri Norstein – 1975 © Studio Soyuzmulfilm
CLD – Pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
AL – Actuellement, je développe à Folimage un projet de long métrage entièrement en papier découpé (!), Le Secret des mésanges. Ce projet est né de ma passion pour l’Histoire, et du plaisir que j’ai eu à transmettre cette passion à mes deux enfants à travers des livres jeunesse, mais aussi de nombreuses visites de sites historiques, de musées… Il y a toujours un âge où l’archéologie passionne les enfants. C’est vraiment magique ! Tout en dessinant, tout en travaillant, j’écoute beaucoup la radio, notamment l’émission Carbone 14 sur France Culture dans laquelle des archéologues parlent de leur métier avec passion. J’ai aussi eu la chance de rencontrer l’équipe d’archéologues de la grotte Chauvet (autour d’un projet de collections de petits films animé à ce sujet : 36000 ans plus tard). De tous ces beaux moments est né une toute petite idée dans ma tête que j’ai laissé germer jusqu’à ce qu’un jour, une histoire me vienne. Cette idée était simple : et si une archéologue, lors d’un chantier de fouilles, découvrait des éléments concernant sa propre histoire familiale ? De là, une seconde idée a germé, comme une seconde se greffant à la première : et si cette archéologue avait une fille, que l’une et l’autre fouillaient chacune de leur côté, et que toutes deux trouvaient la même chose : un trésor ? J’ai déroulé le fil de ce début d’ histoire dans ma tête, j’ai imaginé un lieu, un décor, un environnement, d’autres personnages, des animaux… Et une nuit, ne me demandez pas pourquoi, c’est toujours la nuit que les meilleures idées viennent, j’ai eu comme une vision cette fois : ce sont des mésanges qui vont guider la fille dans ses recherches ! Fouilles archéologiques, fouilles familiales… Petit à petit, l’histoire prenait corps. Celle-ci a mûri deux années dans mon esprit, et un matin j’avais une trame, un début, une fin. Je l’ai retranscrite, puis j’ai contacté Pierre-Luc Granjon pour qu’on en fasse ensemble un scénario. Cela fait maintenant cinq ans que je travaille sur ce film et nous espérons qu’il sorte en salle en 2024.
Parallèlement, je continue mon travail de scénariste. J’ai travaillé dernièrement sur Vanille de Guillaume Lorin qui sortira en salle en 2021. J’ai également travaillé avec Marjolaine Perreten sur son nouveau projet de film.
Le secret des mésanges © Antoine Lanciaux / Folimage
Le secret des mésanges – Préparation du teaser © Antoine Lanciaux / Folimage
CLD – Aurais-tu quelques suggestions de films ou de lectures à nous conseiller ?
AL – J’aime tellement les films d’animation que ça va être difficile…
Deux courts métrages m’ont particulièrement donné envie de faire ce métier : L’homme qui plantait des arbres de Frédéric Bach et Le hérisson dans le brouillard de Youri Norstein. Mais je conseille aussi toujours les films de Jiří Trnka (Le songe d’une nuit d’été, La main…), et Le roi et l’oiseau de Paul Grimault, des chefs d’œuvre. De même que les longs-métrages japonais pour la grande qualité et originalité de leurs scénarios. J’adore tout particulièrement Lettre à Momo.
Et pour les conseils lecture, j’en ai deux en BD : j’ai découvert celles-ci ces derniers temps et je les ai beaucoup aimées : Rita, sauvée des eaux de Sophie Legoubin Caupeil et Alice Charbin, et L’homme de la mer de Jang Deok-Hyun.
Bons films à tous et profitez de la vie 24 images par seconde !
Le songe d’une nuit d’été – Jiří Trnka – 1959 © Narodni Filmovy Archiv
Lettre à Momo – Hiroyuki Okiura – 2013 © Les Films du Préau
Rita, sauvée des eaux – Sophie Legoubin Caupeil, Alice Charbin – 2020 © Éditions Delcourt
L’homme de la mer – Jang Deok-Hyun – 2017 © Pika Graphics