Benoît Chieux
Benoît Chieux a été l’invité de la 7e édition du festival du film d’animation Drakkar’Toon (2013) pour la présentation du long métrage Tante Hilda !, et de la 17e édition (2023) pour la présentation du long métrage Sirocco et le Royaume des Courants d’air
• Le bonheur de la vie (série éducative – 1990-1992) : chef-décorateur
• Mine de rien (série éducative – 1992) : animateur
• Ma petite planète chérie (série éducative – 1993-1996) : directeur artistique et story-boarder
• L’enfant au grelot (moyen métrage – 1996) : co-scénariste et créateur graphique
• Patate et le jardin potager (moyen métrage – 2000) : auteur-réalisateur
• Mica (série TV – 2001-2002) : auteur
• Mia et le Migou (long métrage – 2008) : directeur artistique et story-boarder
• Tante Hilda ! (long métrage – 2013) : co-réalisateur et directeur artistique
• Tigres à la queue leu leu (court métrage – 2014) : réalisateur, scénariste
• Le jardin de minuit (court métrage – 2016) : réalisateur, scénariste, directeur artistique, story-boarder
• Cœur fondant (court métrage – 2019) : réalisateur, scénariste
• Sirocco et le Royaume des Courants d’air (long métrage – 2023) : réalisateur, scénariste
Portrait animé publié le 5 mars 2021
Cinéma Le Drakkar – Pourrais-tu nous présenter ton parcours et ton travail ?
Benoît Chieux – Mon parcours est assez atypique, car j’ai commencé très tôt l’animation. Mon souhait était de dessiner mais, encore jeune adolescent, mes intentions professionnelles étaient assez vagues lorsque je me suis présenté au concours de l’ESAAT de Roubaix pour rentrer en seconde. Il y avait beaucoup moins d’écoles de dessin qu’aujourd’hui et quasiment aucune école d’animation, j’étais donc plutôt parti pour faire mon métier dans la publicité, florissante à l’époque, ou dans l’impression. Coup de chance ! Juste avant mon entrée en terminale, un professeur de l’école a eu la bonne idée de créer une classe d’animation. C’était extraordinaire ! Notre professeur, M. Lopez-Bernal, n’y connaissait rien, il apprenait en même temps que nous. Avec le recul, je trouve que l’on sous-estime la réelle portée pédagogique d’un tel enseignement, articulé autour d’une passion commune et d’un idéal inatteignable… Oui, nous avions l’objectif de réaliser un film d’animation collectif, chose impossible vu nos compétences et le manque de matériel, car je parle d’une époque où Photoshop n’existait pas encore. Bref, nous étions tous dans la même barque à essayer de déchiffrer le langage de l’animation, story-board, lay-out, animation, décor, etc. On visitait des studios, regardait des films, la belle vie quoi ! Ensuite, je suis rentré à l’école Émile Cohl à Lyon. Grande école de dessin, des professeurs prestigieux (Maurice Garnier, Yves Got, Jean Claverie, Jean-Michel Nicollet…), des semaines à dessiner du matin au soir… C’est vraiment là que j’ai appris à mesurer la complexité du dessin. L’animation y était enseignée mais trop balbutiante, j’ai préféré passer mon diplôme en illustration. En 1990, à 20 ans, diplôme en poche, je suis immédiatement rentré au studio Folimage à Valence et j’y suis resté jusqu’en 2014. Directeur artistique, décorateur, animateur, scénariste, réalisateur, scénarimagier (story-boarder en anglais), j’ai occupé différents postes, j’ai découvert mon métier à travers diverses productions riches et variées qui vont de la série TV au long-métrage. En 2014, je commence une nouvelle vie professionnelle en quittant le studio Folimage et en me concentrant sur la partie la plus difficile et la plus complète, la réalisation.
Tante Hilda ! – Jacques-Rémy Girerd, Benoît Chieux – 2013 © Folimage / SND
Tigres à la queue leu leu – Benoît Chieux – 2014 © Les Films de l’Arlequin
CLD – Pourrais-tu nous faire partager un souvenir de séance de cinéma qui t’aurait marqué ?
BC – Mes séances de cinéma les plus marquantes ont eu lieu pendant le festival d’Annecy. J’étais jeune, un monde était à découvrir et, à chaque séance, je prenais conscience que ce n’était pas un monde mais une galaxie qui s’ouvrait devant moi. Je me faisais une orgie de films, c’était très déraisonnable. Et puis la présence des réalisateurs dans la salle m’a laissé une impression profondément durable. Je ne suis pas près d’oublier la séance de L’homme qui plantait des arbres avec Frédéric Back, la découverte des films d’Igor Kovalyov, de Svankmajer, Trnka, Starewitch, Norstein… Je ne pourrai jamais les citer tous. Je me souviens d’avoir échangé deux mots avec Paul Grimault à la terrasse d’un café, de John Lasseter en short et chemise à fleurs venu présenter son court-métrage Luxo Jr, bien avant la folie Pixar. Je suis très fier d’avoir salué Fyodor Kithruk qui rechargeait sa montre solaire, près du lac. Tous ces noms sont peut-être aujourd’hui oubliés, mais leurs œuvres sont, à mes yeux, impérissables. Aujourd’hui, je n’arrive plus à regarder autant de films en une semaine et si je découvre un film qui me fait vibrer, j’essaie d’en profiter sans forcément courir à la séance d’après… je vieillis, quoi ! La France est un pays incroyable qui regorge de festivals et je pourrais également citer le festival de Clermont-Ferrand ou le Drakkar’toon qui sont autant d’endroits pour y découvrir des films et des réalisateurs exceptionnels. Pour être honnête et compléter ce tableau, je dois aussi parler de ma découverte des films d’Hayao Miyazaki qui a été un véritable choc, principalement pour deux raisons : a) c’est un cinéma d’une exigence que je n’avais jamais vue auparavant, b) il m’a ouvert la porte sur une nouvelle galaxie : l’animation japonaise ! Une galaxie d’une richesse inouïe avec son lot de réalisateurs incontournables (Isao Takahata, Koji Yamamura, Masaaki Yuasa, Satoshi Kon, Mamoru Osoda, Mamoru Oshii, etc. etc.). Le premier film de Miyazaki, je l’ai découvert en vidéo, lors d’une soirée chez un ami qui montrait ses VHS récemment achetées en Asie. C’était Le château dans le ciel en japonais sous-titré en chinois, le film et le réalisateur étaient encore inconnus en France, c’est une soirée que je n’oublierai jamais.
L’Homme qui plantait des arbres – Frédéric Back – 1987 © Société Radio-Canada
Le Château dans le ciel – Hayao Miyazaki – 1986 © Studio Ghibli
CLD – Pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
BC – Actuellement je travaille sur un projet de long-métrage qui se nomme Sirocco et le royaume des courants d’air. C’est un projet que je porte, depuis 2014, avec Ron Dyens (producteur de Tout en haut du monde de Rémi Chayé et plus récemment de L’extraordinaire voyage de Marona d’Anca Damian). Le scénario a été écrit par Alain Gagnol, connu pour avoir réalisé, entre autres, Une vie de chat et Phantom boy. Je ne peux pas dévoiler le scénario, ce serait dommage de gâcher la surprise, ce que je peux dire c’est qu’il faut beaucoup d’énergie et beaucoup de chances pour mener à terme un tel projet. Je croise les doigts, si tout se passe bien, nous commencerons la fabrication cet été, il faudra encore attendre 2022 pour voir le résultat… rien que de le dire, ça me fait froid dans le dos ! Heureusement, j’ai pu réaliser d’autres films entre temps !
Sirocco et le Royaume des courants d’air (recherches graphiques) © Benoît Chieux
CLD – Aurais-tu quelques suggestions de films ou de lectures à nous conseiller ?
BC – Conseiller des films et des lectures… question piège ! Personnellement je ne me lasse pas de revoir les films cités plus haut. J’essaie de suivre l’actualité dans l’animation, mais ce n’est pas facile, il se passe beaucoup de choses et les films ne sont pas toujours accessibles, notamment les courts-métrages. Pour tout vous dire, je n’aime pas trop donner mon avis sur les films à voir sans connaître la personne à qui je m’adresse, mais pour jouer le jeu, je peux vous brosser une petite liste des derniers films vus et livres lus récemment : Anne et la maison au pignon vert, série d’Isao Takahata ; Hilda, série de Luke Pearson ; L’accident de chasse, roman graphique, L. Blair et D. Carlson ; Leopold Chauveau, catalogue d’exposition ; Oleg, roman graphique, Frederick Peeters ; La cantine de minuit, manga de Yaro Abe ; La cantine de minuit, la série TV ; L’ours, livre historique de Michel Pastoureau, célèbre pour son travail sur l’histoire des couleurs ; Le château dans le ciel, story-board intégral du film, dessiné par Miyazaki (ne cherchez pas, il n’existe pas en France !), du coup j’ai revu le film dans la foulée ; Genius Loci, court-métrage d’Adrien Mérigeau ; La tête dans les orties, court-métrage de Paul Cabon ; Libres !, série Arte d’Ovidie et Sophie-Marie Larrouy ; Lotta, livre pour enfants d’Astrid Lindgren, illustré par Béatrice Alemagna ; Ariol, les livres pour enfants d’Emmanuel Guibert et Marc Boutavant ; Dessiner les musées, livre et dessins d’Emmanuel Guibert… et puis pour changer du dessin : Les pieds sur terre, émission de Sonia Kronlund sur France Culture ; The detectorists, série anglaise diffusée sur Arte de Mackenzie Crook.
C’est évidemment une petite liste et je doute qu’elle ne vous apprenne grand-chose. Je préfère imaginer la découverte culturelle, non pas comme une route officielle, mais plutôt comme un chemin peu emprunté, tortueux et ombragé qui incite à la curiosité, à la réflexion, à la déambulation et à la rêverie.
Hilda – Luke Pearson – 2012-2020 © Casterman
La cantine de minuit – 2016-2018 © Netflix
La tête dans les orties – Paul Cabon – 2019 © Vivement Lundi !
Lotta – Astrid Lindgren (auteur), Béatrice Alemagna (illustratrice) – 2019-2020 © Versant sud
Ariol – Emmanuel Guibert, Marc Boutavant – 2011-2020 © BD Kids