Guillaume Lorin
Guillaume Lorin a été l’invité de la 15e édition du festival du film d’animation Drakkar’Toon (2021) pour la présentation du moyen métrage Vanille, Cristal pour une production TV au festival international du film d’animation Annecy 2021.
Filmographie :
• Lyannaj’ (court métrage – 2010)
• Leftover (court métrage de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo – 2014), animateur
• Yùl et le serpent (court métrage de Gabriel Harel – 2015), animateur
• Miru Miru (série TV de Haruna Kishi et Virginie Jallot – 2016), scénariste
• Vanille (moyen métrage – 2020)
Portrait animé publié le 9 août 2021
Cinéma Le Drakkar – Pourrais-tu nous présenter ton parcours et ton travail ?
Guillaume Lorin – Yes ! J’ai grandi en Guadeloupe jusqu’à mes 17 ans. J’ai passé mon enfance entre la mer, la forêt, les cyclones, le carnaval, les manifestations contre les inégalités sociales, le collorisme, le Gwo ka (musique et danse traditionnelles locales), la messe le dimanche, les contes avec toute sorte de créatures issues du folklore caribéen et une envie folle de découvrir le monde et d’y faire voyager ma culture.
Un bac littéraire en poche, je pars étudier l’animation dans une école d’art à Paris (Prep’Art) pour finalement atterrir au LTAM (Lycée technique des arts et métiers du Luxembourg). J’y apprends les bases du dessin d’animation que je développe par la suite dans plusieurs studios à Paris dont les Armateurs. J’y fais la rencontre de Benjamin Renner qui m’incite à reprendre les études (vu mon souhait intense de raconter des histoires). Je suis donc sélectionné à ma grande surprise à l’école de la Poudrière où j’ai enfin l’espace pour développer des courts métrages inspirés de l’imaginaire caribéen. J’enchaîne plusieurs productions sur tout type de films (série, courts et longs métrages) à des postes différents (animateur, storyboarder, scénariste) tout en écrivant en même temps les premières ébauches de Vanille. Je demande le concours d’Aurore Auguste (vendeuse internationale de films au Petit Bureau) qui m’aide à finaliser une première ébauche et amène une touche féminine indispensable à l’écriture de cette histoire qui nous permet d’obtenir l’aide à l’écriture du CNC. De là, nous faisons appel à Antoine Lanciaux qui lui amène son univers et son expérience et nous aide à aboutir à une première version élaborée du scénario et paf ! ça fait des Chocapic saveur Vanille 😉
Lyannaj’ – Guillaume Lorin – 2010 © La Poudrière
Vanille – Guillaume Lorin – 2020 © Folimage / Nadasdy Film / Gebeka Films
CLD – Pourrais-tu nous faire partager un souvenir de séance de cinéma qui t’aurait marqué ?
GL – Au risque de ne pas être très original, je dirais Jurassic Park. La scène du tricératops malade m’a marqué à vie !! Mes yeux d’enfant n’y ont vu que du feu. C’est le premier film qui m’a fait ressentir des sensations grandioses et surtout qui a planté la graine en moi de : « on peut faire vivre des trucs qui ont disparu ou qui n’existent pas ?! » J’avais déjà vu des dessins animés, bien sûr, mais là, ça prenait une proportion réelle ! Peut-être est-ce de là aussi que vient mon intérêt pour l’intégration dans des images réelles. À partir de là, la fascination pour l’animation n’a fait qu’augmenter et les films de Don Bluth, Miyazaki et Satoshi Kon n’ont fait que conclure mon envie d’en faire mon métier.
Jurassic Park – Steven Spielberg – 1993 © Universal Pictures
Brisby et le Secret de NIMH – Don Bluth – 1982 © United Artists
Mon voisin Totoro – Hayao Miyazaki – 1988 © Studio Ghibli
Tokyo Godfathers – Satoshi Kon – 2003 © Sony Pictures Releasing International
CLD – Pourrais-tu nous parler de ton actualité et de tes projets et, si cela est possible, nous présenter quelques images ?
GL – Aujourd’hui Vanille suit tranquillement sa vie en festival et je suis très touché car elle reçoit un accueil inespéré. Avec l’équipe, on ne revient pas de son parcours et en tant que Normano-Guadeloupéen, je suis très heureux de l’accompagner ici aussi au festival Drakkar’Toon !
De mon côté, je travaille sur une suite de Vanille. J’aimerais beaucoup raconter la suite de ses aventures (pas encore d’images malheureusement).
En parallèle, je travaille sur une idée de jeu vidéo que j’aimerais garder pour l’instant un maximum secret. Mais dès que c’est possible, je me ferai un plaisir de le partager avec vous puisque (ça, je peux vous le dire) l’action se passe sur nos belles côtes normandes et met à l’honneur nos magnifiques marées 😉
CLD – Aurais-tu quelques suggestions de films ou de lectures à nous conseiller ?
GL – Le film Still Walking de Hirokazu Kore-eda… un vrai chef-d’œuvre à mes yeux ! Preuve filmique vivante que le local peut tout à fait être universel. Ce portrait de retrouvailles annuelles d’une famille japonaise « typique » en plus d’une photographie élégante, d’un jeu d’acteur criant de justesse et d’humour malfaisant ne vous laissera pas indifférent, je vous le promets !! Il y a aussi bien sûr Premier contact de Denis Villeneuve qui aborde le sujet de la communication et du langage. Ce sujet est traité avec finesse et originalité (pour une fois que les extraterrestres ne viennent pas pour nous envahir, ça fait du bien !), porté par une bande originale enivrante, m’a mis les poils. La séquence de la montée dans l’ovni, ah là làaaaaa !!! Je n’en dis pas plus ! VOYEZ-LE ! Et juste parce que c’est l’une de mes dernières claques, Nomadland de Chloé Zhao… Ce film m’a laissé sans voix… La frontière entre la fiction et le documentaire est tellement fine qu’on ne peut avoir que du respect pour un travail aussi remarquable et juste, empli de bonté et d’amour envers les personnes représentées. Et puis pour finir, le tout récent documentaire d’Amandine Gay, Une histoire à soi, qui pose la question avec délicatesse et sans jugement de l’adoption d’enfants de couleurs ou « étrangers » par des parents blancs européens. Une plongée dans le vécu de personnes dont on entend trop rarement les récits, mis en scène par une réalisatrice concernée par le sujet. Une vraie révélation.
En lecture je recommande chaudement les livres de l’écrivain(e) Maryse Condé dont le fameux Moi, Tituba sorcière… et bien sûr pour ceux qui ont le temps, Rouge impératrice de Léonora Miano qui remet l’amour (le vrai, l’inconditionnel) au cœur de nos récits. Enfin, je vous recommande le terriblement saisissant Les neufs consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau. Une fable écologique contemporaine qui pose la question de la domination dans ce monde en perdition… le tout depuis le point de vue d’aigle puissant qui se voit trouver son maître « spirituel »en la personne d’un être si petit, si ridicule, une virgule d’existence un simple et heureux colibri.
Still Walking – Hirokazu Kore-eda – 2008 © Pyramide
Premier contact – Denis Villeneuve – 2016 © Sony Pictures Releasing International
Nomadland – Chloé Zhao – 2021 © The Walt Disney Compagny France
Une histoire à soi – Amandine Gay – 2021 © Les Films du Losange
Moi Tituba sorcière… – Maryse Condé – 1988 © Folio
Rouge impératrice – Léonara Miano – 2020 © Pocket
Les neuf consciences du Malfini – Patrick Chamoiseau – 2010 © Folio